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Lecture : Quels vins buvaient les nazis ?

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Un de nos lectures de l’été fut « La guerre et le vin » de Don et Petie Kladstrup. Au-delà de laisser derrière elle une France exsangue, la Seconde Guerre mondiale aura aussi copieusement abreuvé les sillons de l’occupant. Dans un ouvrage glaçant, Christophe Lucand revient sur l’un des épisodes les plus sombres du vignoble hexagonal. Un bon Allemand, à défaut d’aimer les Français, aime boire le vin français professait Goethe dès le début du XIXe siècle. L’histoire lui donnera raison : 100 ans plus tard, en mai 1940, la France tombait sous l’occupation nazie. Presque aussitôt, l’administration allemande désigne des guides du vin, les « Weinführer », chargés d’envahir les vignobles de Bordeaux, de Bourgogne, de Champagne et de Cognac afin de faire main basse du «plus précieux trésor de France», à en croire Hermann Göring, tristement célèbre dirigeant du Troisième Reich.  Peu à peu s’organise une spoliation du vignoble français, qui engendre pour la population française une pénurie sans précédent : de la piquette au grand cru, cet élément central de la vie quotidienne devient alors brutalement rationné.  Les hauts gradés allemands étaient portés sur le bordelais et la Champagne, et non des moindres : Margaux 1938, Mouton-Rothschild 1939, Lafite Rothschild 1934, Pommery Brut 1934. A Paris, les palaces font d’ailleurs office de cible privilégiée : Meurice, Plaza Athénée, Carlton, Lutetia, George V… Autant d’écrins somptueux, assis sur des caves à la profondeur vertigineuse, au sein desquels les officiers élisent domicile. Ce qui avait pour ambition d’être un assaut militaire se transforme progressivement en tournée des grands ducs.

Mais il aurait été trop commode de s’en tenir à un démontage en règle de la machine nazie. Se gardant bien d’épargner ses concitoyens, certains individus basculant immédiatement dans le plus crasse des opportunismes. Comme c’est le cas en Charente, en Champagne ou dans toute la Côte bourguignonne, l’arrivée des Allemands aiguise les appétits. S’ensuivront des années de rapt, de petites magouilles et de somptueux banquets.

En juin 1944, les troupes allemandes sont au plus mal. Le débarquement des Alliés les poussent à prendre la tangente, ce qui ravit certains pour en meurtrir d’autres : «On s’aperçoit parfois qu’on a mal joué. Les Allemands paraissaient bien être là pour au moins trente ans. Quelle désillusion ! Ils ont tenu quatre années, pas plus. Quatre années folles, durant lesquelles le vin s’est vendu ; très bien vendu même, sans doute trop».

Une débandade collective qui fait entrer le monde viticole dans l’ère du doute. Les stocks se sont épuisés à une vitesse prodigieuse et le spectre de la surproduction s’est subitement évanoui. Avec lui, c’est un nouvel ordre qui s’est imposé, éloignant pour longtemps, au grand soulagement de certains, le «péril rouge» des frontières de la France».

Elle est encore celle d’une tragédie, d’un drame irréparable qui sauva la vigne et les vins de France de la dévastation au prix fort d’un déshonneur.

Cet article a été publié le 8 septembre 2023.

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